Longtemps j’ai décidé d’arrêter le smartphone pendant une semaine pour faire le test du dumb phone (téléphone qui ne va pas sur Internet). Longtemps j’ai repoussé l’expérience. Et un jour, plus d’excuses : je l’ai fait. Alors, si les premiers instants sont bizarres, très vite ça passe et le lendemain, le malaise a disparu. Au bout d’une semaine de test, je me sentais tellement bien dans ma vie, mon travail, mes loisirs, que je ne ressentais ni l’envie ni le besoin de rallumer mon smartphone. Je l’ai conservé au cas où (au cas où quoi ? aucune idée), mais finalement je ne l’ai pas rallumé. C’était en décembre 2021 et je vais bien, merci !
Pourquoi ai-je tant repoussé une expérience qui a changé ma vie ? Soyons clair, le plus compliqué dans le fait d’arrêter le smartphone, c’est d’essayer. A l’inverse de la cigarette : on arrête de fumer parfois sur un coup de tête et si les premières heures sont faciles, le combat se tient dans la durée. Le smartphone, c’est tout le contraire : il n’y a aucun combat sur la durée, le plus dur c’est d’essayer. A cause d’un milliard d’a priori. Exemple : je dois regarder mes mails tout le temps, il faut que je puisse accéder à mes dossiers partout, j’ai besoin de faire des photos, je déteste m’ennuyer, j’aime regarder le whatsapp de la famille, il y a toute ma vie dans mon google agenda, j’ai une grosse activité sur Teams, j’adore regarder des vidéos de bricolage aux wc,…. Je vous laisse compléter.
Mais alors pourquoi arrêter, vu tous les effets formidables du smartphone ?
Pour plein de belles raisons qui sont peut-être moins évidentes que les offres de communication, divertissement, collaboration et planification dont on nous abreuve à longueur de temps.
Tout d’abord pour me montrer que je suis capable de m’en passer. Un peu comme le fumeur qui dit « j’arrête quand je veux », j’avais tendance à le croire aussi, repousser l’expérience à maintes reprises m’a prouvé que ce n’était pas si vrai.
Ensuite, pour voir par moi-même ce qui allait me manquer au cours de cette semaine sans smartphone. Car il y a un paquet d’outils qui se déclarent indispensables à la vie moderne, je voulais m’en assurer de mes propres yeux. Ben, finalement, rien du tout n’est indispensable. Voilà.
Puis surtout, surtout, surtout gagner en concentration. Les notifications qui ne m’apportent pas grand-chose à part de l’éparpillement, j’en ai soupé. J’avais envie de reprendre le contrôle sur mon temps.
D’ailleurs autre raison : gagner du temps ! Car si 82% du temps passé sur smartphone est consacré aux jeux, j’ai pensé que je ne souhaitais pas consacré 82% de mes prochaines années à jouer. Peut-être le célèbre dicton qui veut qu’on propose du vin et des jeux pour asservir une population… Mais surtout par la découverte des travaux de Csikszentmihalyi. Il a démontré que nos temps de travail sont plus épanouissants que nos temps de loisir. Alors j’ai voulu m’octroyer davantage d’épanouissement, tout simplement !
Mais aussi, pour économiser de l’argent. Google et Facebook gagnent plein de sous en vendant ce qu’ils récoltent sur moi, là où je vais, de quoi je parle et avec qui, et l’impact instantanée sur mon niveau de bonheur. Si les entreprises sont prêtes à acheter ces infos pour me faire plein de pub et m’expliquer que leur produit est formidable, grand bien leur fasse. Mais je préfère garder mes petits euros pour des trucs dont j’ai vraiment envie, en comparant des produits sur leurs véritables caractéristiques, et non en préférant celui que j’ai vu dans mes spams. Donc oust, dehors Google et Facebook !
Et pour avoir le droit d’avoir des choses à cacher. Non mais, laissez-moi tranquille. Parfois je vais dans des lieux sans mon téléphone. J’ai l’impression d’être un agent secret en mission. C’est très grisant et ça donne un sentiment d’invincibilité assez magique.
Pour séparer ma vie pro et ma vie perso. Fini les mails pro dans la salle d’attente du médecin. Fini le fil whatsapp familial en réunion d’équipe. Je fais des trucs pro dans les heures pro, et des trucs perso dans les heures perso : oh punaise, la révolution !
Pour ma santé enfin. La qualité de mon sommeil, mes yeux, mon niveau de stress, tout ça est sûrement lié au smartphone, au moins un peu. Et j’avais aussi envie de tester l’ennui, le vrai, celui qui fait que tu regardes les gens dans le train, que tu comptes les branches des arbres, et bien vous ne croirez pas, c’est vraiment extra l’ennui : je me sens tellement plus sereine, plus innovante, plus curieuse aussi et plus empathique. Je me remémore bien mieux les choses que je viens d’apprendre aussi.
Un petit dernier pour la route. Pour avoir moins d’infos. Ou en tout cas, uniquement des infos dont j’ai vraiment besoin, que j’ai choisis d’aller chercher. Quand je prends le bus, j’ouvre un livre et un seul, que je consulte pendant le trajet. Je crée alors un fil rouge sur le sujet, qui est vraiment extra pour m’en faire ma propre idée et m’en souvenir.
Bonus. Pour la planète. Parce que le numérique c’est quand même 4% des émissions de gaz à effet de serre, et ça augmente ! A cause des appareils surtout, mais aussi de la consommation de vidéo en ligne.
Plein de bonnes raisons qui m’ont longtemps donné envie d’essayer. Mais j’ai tardé tout de même. Par contre, quand j’ai essayé, les résultats ont dépassé toutes mes attentes.
Alors j’y suis restée.
Vive la liberté ! Vive le 3310 !